Article écrit par Guy HEBERT pour le site www.patrimoinedefrance.fr

Un réseau de galeries s’installe dans d’anciens sites industriels dédiés à la soie.
Il existe encore des ensembles patrimoniaux de l’ère industrielle qui ne doivent pas mourir. Encore faut-il que des passionnés investissent pour les acquérir, les conserver, les rénover et les faire vivre.

Vernissage le 24 juin 2012

• La Fabrique. A gauche, arrière du bâtiment d’exposition, ancienne filature
  © photo Guillaume Bourdeau

C’est le cas de deux moulinages. L’un en Drôme provençale, « La Fabrique »situé à Savasse, commune à quelques kilomètres au nord est de Montélimar et le second en Ardèche, «  Le moulinage des Crozes à Saint Priest », près de Privas.

Avant que leurs propriétaires ne se rencontrent et s’associent à trois galeries de la région Rhône-Alpes pour présenter une première exposition estivale, il a d’abord fallu le coup de foudre pour des lieux. Et que les acquéreurs répondent à l’affirmation de Mark Twain : «  Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».

La Fabrique, une manufacture restaurée pour l’art, en Drôme provençale

• La bastide du XVIIIe siècle © photo Guy Hébert

A Savasse, Marie-Alix et Philippe Mussy restaurent depuis cinq ans « L a Fabrique » (1), sur un domaine de cinq hectares. Leur œuvre n’est pas finie. Plusieurs bâtiments : une bastide du XVIIIe siècle, ancien relai de chasse situé dans un paysage toscan à l’abri du mistral et près de la Leyne, petite rivière à truite.

Lieu devenu au début du XIXe une manufacture de soiealimentée par un aqueduc où une vingtaine de personnes ont travaillé jusqu’à la guerre de 1940. Présence sur place d’une magnanerie ( mot venant du provençal magnan désignant le ver à soie) et d’une chèvrerie. 

La restauration du site, Philippe l’a confiée à un ami architecte et peintre, Jean-Guy Paquet. Attachés à concilier écologie, règles de sécurité, esthétique et économie, ils ont trouvé dans l’association « Masette », un ensemble d’artisans en éco-construction, capables de mettre en œuvre des techniques traditionnelles ou adaptées à la région. A l’image de ces murs enduits selon le procédé de la pierre vue ou des isolations en chaux et paille de lavande.

Comme lieu d’ exposition, la Fabrique offre trois salles sur une surface globale de cinq cents mètres carrés, dont une terrasse pour installer des sculptures, un salon d’accueil et une pièce de vidéo-projection.

Une future « usine de l’art » en Ardèche

• Moulinage des Crozes, Salle d’exposition © photo Guy Hébert

A quarante cinq minutes de là, au nord-ouest, de l’autre côté du Rhône, l’histoire de la rénovation du moulinage des Crozes relève du défi. D’abord l’achat en 2005 d’une filature ayant fonctionné de 1850 à 2000.

Dalva Duarte, brésilienne chaleureuse, mariée à un architecte américain, évoque avec passion son acquisition : «  Je vivais aux Etats Unis. Avec la présidence de Bush, j’ai décidé de venir en France dans l’idée d’acheter un site industriel. Ayant trouvé cette friche de 6000 m² dans le creux d’une vallée , mon mari m’a donné son feu vert, imaginant qu’il s’agissait de pieds-carrés » ( ndlr unité anglaise environ dix fois plus petite que le mètre-carré) !

Depuis lors, Dalva a restauré un tiers des bâtiments. Elle a apporté la preuve que ces grands espaces sont nécessaires pour réaliser ses œuvres et envisager, dans un avenir rapproché d’ouvrir plus largement sa propriété. Pour l’instant, il est nécessaire de la contacter (2). Au programme de la visite ses «  24 caprices de Paganini » occupant le sol d’un immense hall industriel de près de 100m de long, à la charpente métallique apparente. Une autre grande salle, à la hauteur sous plafond plus modeste, expose déjà plusieurs artistes. Tout ici est à grande échelle, y compris la roue à aube de 14 m de diamètre qui a cessé de tourner vers 1900. L’eau permettant son fonctionnement était captée à la partie supérieure d’une magnifique cascade et conduite par un petit canal.

Dalva imagine de réemployer d’autres équipements de la filature restés in situ, pour présenter, comme elle l’appelle, son usine de l’art.

Le projet d’une vie !

La Grande Galerie, un concept affichant ambition et coopération

• La Fabrique à Savasse © photo Guy Hébert

Le 24 juin sera lancé, dans les locaux de « La Fabrique » de Savasse, le concept de «  Grande Galerie ». Un réseau présidé par Philippe Mussy, membre fondateur d’une association régionale d’artistes « L’art à demeure ». Avec l’ambition de proposer une exposition artistique contemporaine à vocation internationale, dans la durée et sur un territoire ancré en Rhône-Alpes et étendu à la Provence.

Regroupant dans une démarche coopérative, les galeries Jean-Jacques Sérignan d’Avignon (3), Michèle Emiliani de Dieulefit (4), Françoise Souchaud de Lyon (5) et un collectif de six artistes animé par Brigitte Dykman, peintre (6). Ils réuniront, pendant l’été jusqu’au 2 septembre, quatorze artistes : Les peintres Frank Duminil, Françoise Pirro et Anne Pourny de la galerie Sérignan, avec le sculpteur Jean Suzanne. Michèle EmilianiL a retenu les peintres Charlotte Culot et Jean-Noël Bachès, ainsi que le sculpteur Michel Wohlfahrt et la céramiste Christine Fabre.

Enfin, la galerie Souchaud sera représentée par la céramiste Alexandrine Guerin et les peintres Jean-Marc Paubel, Pierre Souchaud, Maurice Sage, Marion Tivital et Christine Trouillet. Toute l’année, un fonds permanent d’œuvres de plasticiens, en lien avec les partenaires, sera visible sur rendez-vous. Pour l’été, galeristes, professionnels et doctorante de l’Ecole du Louvres seront sur place sept jours sur sept de 11h à 13h et de 15h à 19h30. Vernissage le 24 juin, à 18h.

La soie, fil rouge des visites et des hébergements

La soie pourra constituer un des fils conducteurs de ce parcours entre Drôme et Ardèche. Pour l’anecdote, si les trois galeries partenaires de l’exposition sont toutes installées dans des bâtiments anciens, deux ont un lien avec cette industrie. A Dieulefit, Il s’agit d’une magnanerie. Quant à Lyon, ce sont d’anciens logements de canuts. Dans cet esprit, des hébergements en chambre d’hôtes sont proposés. Proche de « La Fabrique » de Savasse, à St Marcel les Sauzet, le Mas de Foristone (7) regroupe une magnanerie XVIIIe et une grande bastide de charme. A Sauzet, deux autres anciennes magnaneries restaurées « Chez Janie Hirst » (8) et le Mas des Buis ( 9). Quant au moulinage de St Priest et de Privas, on peut loger à proximité, au Moulin de Cornevis (10).

Musée, élevage de vers à soie , sites industriels et association de moulins et moulinages

Dans la Drôme comme dans l’Ardèche, la visite de sites en relation avec la soie est également possible. Le plus proche, «  L’atelier-musée de la soie » de Taulignan (11), à 35 km au sud-ouest de Montélimar.

Village fortifié au milieu d’un vignoble AOC Côtes du Rhône, ses remparts du XIV e siècle offrent encore onze des quatorze tours d’origine. Le musée, créé par un ancien moulinier de père en fils, reconstitue les métiers en bois, les outillages utilisés au XIXe siècle, pour la sériciculture, la filature, le moulinage et le tissage de la soie.

Dans une autre direction, à 57 km au nord ouest de Montélimar, à Saillans (12), c’est un élevage de vers à soie au cœur d’une plantation de 700 muriers qu’il est intéressant de découvrir. De l’autre côté du Rhône, « La Filature du moulinet » (13), à 800m de la petite cité médiévale de Largentière ( 47 km au sud de Privas et 55km à l’ouest de Montélimar), bénéficie d’un site préservé en pleine nature au bord d’une rivière.

Authentique usine de soie, la plus grande de l’Ardèche méridionale, dont la construction a débuté en 1795, elle a été abandonnée lors de la Première guerre mondiale. On peut y suivre toutes les étapes, du ver à soie au métier à tisser.

Le Moulinage de La Neuve, à Marcols les Eaux (14), 40 km au nord ouest de Privas, site resté dans son jus. Il est le siège d’une association qui vise à sauvegarder moulins et moulinages de la Glueyre.

Une façon de conclure cet itinéraire de la soie.

Guy Hébert

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